Sr Brigitte est française et vit au Mexique depuis plus de 40 ans. Elle nous partage aujourd’hui avec Sr Ana (qui est mexicaine et qui a vécu plusieurs années en Belgique et en France) sa vision sur la situation par rapport à la pandémie.
Au Mexique le COVID nous a surpris dans une situation assez critique, car les décisions du nouveau gouvernement continuent de plonger le pays dans la pauvreté. Le manque de stratégie unifiée face à la crise sanitaire a montré la division au sein du gouvernement. Personne ne sait, depuis le mois de mars, quelle est la situation réelle du pays au niveau de la pandémie. Certains gouverneurs d’états ont pris la décision du confinement strict, ce qui a évité les contagions en partie, mais pour beaucoup, cela les a plongés dans la précarité.
Notre Communauté de Sœurs de l’Assomption de Carrasco se trouve au sud de la mégapole de México, plus de 20 millions d’habitants ; nous vivons dans ce quartier populaire depuis sa fondation, dans les années 65-70. C’est un quartier très original, plein de vie et mouvementé. À l’heure de la pandémie, les petits commerces continuent avec et sans masque car tout est relatif : la police fait bien quelques tournées, mais sans succès !!
Nous avons une école en deux édifices – primaire et jardin d’enfants – qui sont à 15 minutes l’un de l’autre. Écoles payantes malheureusement, car le Gouvernement ne soutient pas les écoles privées. Alors en ces temps de pandémie, il faut inventer, créer des liens, chercher les moyens de subsister. Heureusement, il existe une grande solidarité au niveau de nos écoles Assomption au Mexique. Deux d’entre elles sont implantées dans des milieux plus favorisés. Alors grâce à une campagne de dons, nous avons reçu une réponse immédiate et surprenante : nos donateurs étaient ceux qui nous remerciaient en premier : « Merci de nous donner l’occasion de partager ce que nous avons reçu… ». Pour nos deux écoles, nous avons mis en place une formation intensive pour les professeurs afin de leur apprendre à programmer leur cours sur internet de 8h à 14h comme en temps ordinaire. La disponibilité de nos enseignants a été mise à rude épreuve et la plupart ont réussi à s’adapter. Le rôle de l’école est aussi un espace d’accompagnement pour les enfants qui vivent des situations de violence intrafamilial, il n’est pas rare qu’un enfant apparaisse triste sur l’écran au moment de la classe et nous dise avec tristesse : « aujourd’hui, papa est parti de la maison » ou « hier soir mes parents se sont disputés et maman n’est plus là. » Les espaces sont tellement réduits que cela devient vraiment dur pour les parents.
Nous avons continué notre soutien aux parents à travers « l’École des Parents » où nous réfléchissons avec eux sur toutes les situations actuelles : fragilité, stress, solidarité, spiritualité en nous appuyant sur beaucoup de documents, vidéos, textes qui sortent en ce moment sur internet sans oublier les circulaires de Sr Rekha, notre Supérieure Générale, et ceux du Pape qui s’adaptent si bien à nos situations. Il y a aussi bien des détresses, ceux du Sud du Mexique qui vendent leur café à la sauvette ou les migrants, pour la plupart du Honduras, qui sont au coin des rues, et nous essayons de les aider. Mais la situation devient plus douloureuse quand il s’agit de nos familles qui à leur tour, dans les petits villages, ont été contaminées par le covid. Heureusement il y a des remèdes que nous pouvons leur faire parvenir, mais ils savent aussi utiliser les plantes naturelles : le thé de gingembre ou les feuilles de goyave.
Dans ces contextes variés, la réponse à la pandémie a été, un peu comme Marie Eugénie, d’aimer notre temps, de ne pas nous lasser et de trouver des chemins de solidarité envers tous, car riches et pauvres, tous, nous sommes dans la même barque, confrontés à la fragilité et l’incertitude. Inspirés par la parole de Marie Eugénie « profitez du temps présent, puisque Dieu vous le donne pour correspondre à sa grâce1 », nous avons pris les moyens technologiques disponibles pour rester proches des gens par l’écoute et le conseil, via téléphonique et online ; par la proposition de visioconférences ou de textes inspirés du charisme pour réfléchir et illuminer ce temps. Les professeurs se sont mis avec détermination et passion à la tâche pour maîtriser les outils technologiques afin d’innover leurs cours et faire vivre aux élèves la dynamique scolaire. Nous avons organisé aussi des collectes d’argent, denrées alimentaires et vêtements pour les voisins, les familles en difficulté, les migrants, les gens sans abri. Nous sommes toujours surpris de cette attitude de résilience qui nourrit notre foi et notre espérance, comme l’a évoqué le Pape François, convaincus que ce chaos prépare un renouveau pour l’humanité.
Merci à Marie-Christine Coulon qui a recueilli ses paroles !
1Chapitre de Marie-Eugénie, 22 Juillet 1883.
Photo prise en octobre 2019, le jour du Chapelet pour les missions.
Les différentes couleurs représentent les différents continents pour lesquels les enfants prient.