Une question, ma réponse et Dieu par Jésus Christ a fait le reste.
Ce titre résume à lui seul ma vie et mon jubilé de 25 ans de vie religieuse célébré en juin 2022.
Une question : Celle du prêtre qui m’accompagnait, il y a presque 50 ans pour ma première communion et qui, la veille, nous avait demandé au groupe de 30 enfants du catéchisme de réfléchir pour le lendemain.
Le jour même, en nous appelant par notre prénom, il a redit à chacun : Aujourd hui Jésus se donne à toi dans l’Eucharistie et toi que veux-tu lui donner ?
Ma réponse d’enfant de six ans : Ma vie.
J’ai toujours en moi cette même chaleur de paix quand je repense à ces mots et je revois le geste lent et doux du prêtre déposant Jésus Hostie au creux de mes mains s’attardant une seconde. (Ce religieux a été présent à toutes mes étapes de vie religieuse et bien sûr il a célébré mon jubilé.) Une longue amitié spirituelle qui continue.
Et Dieu par Jésus Christ a fait le reste. Non je ne suis pas rentrée au postulat à 6 ans ! Mais Il a été celui qui a veillé sur ma croissance humaine et spirituelle.
Humaine d’abord dans une famille simple, remplie des valeurs des gens de la terre qui savent le goût de l’effort… Mon papa vivait cette chanson d’Yves Duteil à chaque respiration de vie trop courte : « Ce sont des gens sans importance avec des gestes quotidiens qui font renaitre l’espérance et le bonheur entre leurs mains. Ce sont des gens sans artifices qui vous sourient quand ils sont bien et vont cacher leurs cicatrices parmi les fleurs de leur jardin. »
Une scolarité chaotique due à ma surdité et autres difficultés mais une famille qui mise plus sur l’intelligence que sur l’intellectuel. Intelligence du cœur et bon sens, la joie de servir, de partager le peu que l’on a.
Mon père m’a appris à lire, assez jeune, dans les livres qui il rapportait des décharges. J’ai toujours mes trois premiers livres : Le petit prince, Jonathan le goéland, Le vieil homme et la mer. Après la Bible, c’est mon livre roc, je retiens après avoir été détruit ou après un échec, cela permet d’affronter les plus grands défis. Je voudrais dire ce que j’appelle les éclats de vie et les éclats de rire. Ces éclats de vie que l’on ne choisit pas, qui sont parfois très lourds à porter, le besoin d’en faire parfois un bouclier pour se protéger et, avec l’aide du sacrement de réconciliation, le choix ensuite d’en faire un tremplin et de pouvoir tendre la main à d’autre apprend à se relever.
Spirituelle par ma maman qui faisait la catéchèse dans notre petite cuisine pour les enfants du quartier en se basant sur le seul livre personnel qui lui appartenait, les quatre évangiles, et la feuille qui indique comment réciter le chapelet. Et quand je lui ai annoncé mon départ pour le postulat, ce fut très dur comme si Dieu lui prenait (j’ai 3 frères) sa fille, et mon papa m’a dit : « Je ne sais pas qui est ton dieu mais un papa veut le bonheur de son enfant, va et sois heureuse ».
Le scoutisme, l’école d’agriculture puis l’école d’éducateur avec la formation d’aide médico-psychologique. Dieu me faisait signe, Il m’accompagnait. Il m’ouvrait la porte des valeurs de l’éducation pour plus tard.
J’avais compris que pour rencontrer, il fallait se laisser rencontrer. Une certitude jaillit en moi vers 18 ans : « je ferais de ma vie un service ». Cela résonnait très fort. Je me revois faire la liste en lui disant dans ma prière un service à qui, comment, où ?
Le dialogue du cœur à cœur, face à face, devenait tendant : « Seigneur je veux bien te donner ma vie mais dis-moi où… », c’était comme « Donne-moi l’adresse et j’y vais. Et c’est bon, je rentre là… »
Tout y passait sauf la vie religieuse ! A l’aumônerie, je n’allais jamais au week-end chez les moniales car une nervosité presque incontrôlée s’emparait de moi et perturbait ma prière en voyant ces grands murs de pierre. Dieu me donnait des indices mais je ne les comprenais pas. Chez les moines, le très grand silence m’appelait, m’apaisait. Pour un temps de passage !
Et puis, cette année 1986, à Lyon Gerland, rencontre avec le pape Jean-Paul II : quand je reçois ce foulard (que j’ai toujours) un tremblement me saisit : La phrase dit : « Tu peux faire de ta vie un je t’aime ». Ouf ! j’avance… Mais comment faire de sa vie un service et je t’aime ?
Par plusieurs rencontres, sur une année, Dieu guide mon cœur et mes pas vers les sœurs de l’Assomption. Dans la revue, à travers la vie de Marie-Eugénie, ses combats, ses questionnements mais aussi sa confiance en Dieu, sa joie, j’ai découvert une femme qui voulait juste que Jésus-Christ soit connu et aimé, ce programme m’allait bien.
Et le trépied, dont j’avais besoin, prenait solidité : Vie de prière, communautaire et apostolique.
Après les deux années de noviciat, nous demandons l’admission aux premiers vœux avec souvent le désir déjà de se donner toute entière par des vœux perpétuels mais c’est la congrégation qui nous reçoit et nous accompagne jusqu’au oui POUR TOUJOURS.
Le mystère que nous choisissons, plutôt recevons, dans la prière était pour moi la croix « croix douloureuse, victorieuse, , glorieuse » mais ma maîtresse des novices m’a dit : « c’est trop long, prends la croix. » Je me revois oser lui dire alors je reviendrais demain. Et le rosaire m’est apparu comme la prière la plus complète, prière des simples, des découragés, prière des confiants. Méditer tous les moments de la vie de Jésus, c’est se mettre à l’école de l’Amour du père et de son Fils car pour moi leur seule et unique toute puissance c’est l’amour.
Au moment de mes vœux perpétuels, deux paroles du Christ résonnaient en moi : « Seigneur, apprends-nous à aimer » et « Vous serez mes témoins ». Mais la première n’était pas dans la Bible… par contre c’est toute une vie et surement aussi le ciel pour apprendre à prier (en grec, c’est le même mot).
La vie en communauté est aussi une force et un défi.
Notre oui pour toujours doit être oui de tous les jours.
Avec le psaume, je redis : « Remets ta vie au Seigneur, il comblera les désirs de ton cœur. »
Loué sois-tu Seigneur de nous avoir donner la joie de te servir,
Loué sois-tu Seigneur de nous avoir donner des frères à aimer.
Sœur Marie-Laure du Rosaire
Communauté de Montpellier